Une étude de la VUB révèle une discrimination ethnique sur Airbnb
Les touristes portant un nom d’origine marocaine se voient plus souvent refuser la réservation d’une habitation
Les touristes qui portent un nom à consonance marocaine subissent une discrimination structurelle sur Airbnb. C’est le résultat mis au jour par une nouvelle étude menée par le professeur Pieter-Paul Verhaeghe et son équipe de la Vrije Universiteit Brussel. Pour leurs recherches, les sociologues ont réalisé 1 043 tests par correspondance sur Airbnb durant l'été 2021. Bien qu'Airbnb condamne fermement le racisme, les résultats montrent que la politique antidiscrimination de la plateforme ne permet pas de résoudre le problème.
Tests pratiques sur Airbnb
Le professeur Verhaeghe avait déjà démontré que la discrimination ethnique existait sur le marché du logement de location classique en Belgique. Pourtant, Airbnb était longtemps resté dans l’angle mort.Même à l'échelle mondiale, il n'existe qu'une poignée d'études sur la question et celles-ci sont rarement récentes. Les chercheurs ont donc effectué des tests par correspondance sur Airbnb.
Les tests par correspondance sont des versions écrites des tests pratiques, où des candidats fictifs contactent un propriétaire pour lui demander de louer son logement. Concrètement, les chercheurs ont demandé à des touristes nationaux fictifs de contacter 1 043 hôtes via la plateforme Airbnb pour des habitations situées dans la Région de Bruxelles-Capitale. Les participants ont demandé au début des vacances d'été s'ils pouvaient réserver le logement Airbnb pour un week-end à Bruxelles en septembre. Les touristes fictifs avaient tous un profil similaire et seule l’origine ethnique de leur nom les distinguait. Ils portaient des noms à consonance belge, marocaine ou polonaise.
Discrimination plus forte de la part des hôtes professionnels
Les tests ont montré que de façon structurelle, les touristes ayant un nom marocain se voyaient plus souvent refuser la réservation de l’habitation Airbnb que les touristes portant un nom belge. Alors que les touristes portant un nom belge ont reçu une réponse positive dans la moitié des cas, ce taux ne s’élevait qu’à 44 % pour les touristes portant un nom marocain. La discrimination sévit uniquement de la part des hôtes Airbnb dits « professionnels », précise le professeur Verhaeghe. Pour eux, la différence de réaction positive peut atteindre 15 % (voir graphique 1). Les hôtes professionnels sont des hôtes qui proposent deux habitations ou plus ou une seule habitation pour plus de 120 jours par an sur Airbnb. Parmi les hôtes non professionnels, les chercheurs n'ont constaté aucune discrimination. Il s'agit de locateurs privés qui, dans l'esprit originel d'Airbnb, proposent leur propre logement à la location de manière sporadique (max. 120 jours). Enfin, les touristes portant des noms polonais n'étaient pas discriminés.
« Nous supposons que les hôtes privés à Bruxelles sont beaucoup plus ouverts à la diversité que les hôtes professionnels. Les personnes davantage fermées à la diversité auront moins tendance à louer leur propre habitation à des touristes sur Airbnb », expliquent le professeur Pieter-Paul Verhaeghe et sa collègue Billie Martiniello. « Pour les hôtes professionnels, c'est tout à fait différent. Il ne s'agit pas de leur propre maison, ce qui signifie qu'ils ont moins de contacts avec les touristes. »
Fonction de réservation instantanée
Depuis 2016, Airbnb a adopté une politique de lutte contre la discrimination sur sa plateforme. L'une des mesures mises en place est la fonction de « réservation instantanée ». Les hôtes peuvent décider d’activer cette fonction, qui permet de confirmer automatiquement les demandes de réservation. L'étude de la VUB montre que la réservation instantanée fonctionne parfaitement : aucune discrimination n'a été constatée chez les hôtes l’ayant activée. Malheureusement, son activation se fait sur base volontaire. Les chercheurs défendent donc également l’idée qu'Airbnb devrait rendre la fonction de réservation instantanée obligatoire pour tous les hôtes.
L'étude a été financée par Prospective Research – Innoviris.
Coordonnées de contact
Prof. Pieter-Paul Verhaeghe (en néerlandais ou en anglais) :
GSM : +32 473 86 53 75
