Polarisation : menace ou moteur pour la démocratie ?
Une recherche de la VUB nuance le débat
La polarisation est souvent perçue comme un danger pour la démocratie. Mais est-ce toujours le cas ? La thèse de doctorat récemment défendue par Kamil Bernaerts (Vrije Universiteit Brussel, en collaboration avec l’University of Warwick) montre que la réalité est plus nuancée. Toutes les formes de polarisation ne sont pas nocives, et la manière dont une démocratie est institutionnellement organisée peut jouer un rôle important d’amortisseur.
Bernaerts a étudié à la fois au microniveau (via des enquêtes-expérimentations auprès de 2 000 citoyens en Belgique et au Royaume-Uni) et au macroniveau (recherche comparative entre 113 pays) comment la polarisation se rapporte à la démocratie. Ses résultats démontrent que toutes les formes de polarisation ne sapent pas la démocratie. Ce sont surtout la polarisation émotionnelle et sociale – lorsque les citoyens éprouvent des sentiments de haine, de colère ou de rejet envers leurs opposants, ou refusent d’entretenir des relations avec eux – qui renforcent des attitudes antidémocratiques, telles que l’intolérance, le soutien à la violence politique ou la diminution du soutien à la démocratie. En revanche, la polarisation affective envers les partis politiques semble bien moins problématique et peut même être associée à des comportements plus pro-démocratiques.
Dans un second volet, Bernaerts a examiné dans quelle mesure la polarisation varie selon les structures institutionnelles démocratiques. Son analyse révèle que les démocraties de consensus – comme la Belgique et les Pays-Bas, caractérisées notamment par la représentation proportionnelle et les larges coalitions gouvernementales – sont généralement moins polarisées que les démocraties majoritaires, telles que le Royaume-Uni ou les États-Unis. De plus, la probabilité que la polarisation soit liée à la violence politique y est plus faible. Les démocraties de consensus, grâce à leurs institutions inclusives, constituent donc potentiellement un rempart contre les formes extrêmes de conflit.
La recherche aboutit à deux messages clés :
- La polarisation n’est pas par définition nuisible. Elle peut aussi contribuer au changement politique et au débat. Ce sont surtout les formes émotionnelles et sociales de polarisation qui posent un danger.
- Les institutions démocratiques comptent. L’organisation d’une démocratie peut atténuer la polarisation et ainsi renforcer la stabilité.
« Le débat public assimile souvent la polarisation au déclin démocratique, mais c’est une vision trop simpliste, » explique Kamil Bernaerts. « La polarisation fait partie de la démocratie, mais il y a une limite : dès qu’elle prend une dimension émotionnelle et sociale, la démocratie peut être mise sous pression. Ma recherche montre que nous devons examiner à la fois les différents types de polarisation et les différents types d’institutions. »
La thèse de Bernaerts a été encadrée par le Prof. Didier Caluwaerts (VUB) et le Prof. Michael Saward (University of Warwick), au sein des groupes de recherche DFUTURE Research Center (VUB) et Political and International Studies (University of Warwick). La collaboration a eu lieu grâce à une bourse de doctorat conjoint financée par le réseau EUTOPIA, dont le recteur de la VUB est, au moment de la rédaction, le président.
Références:
Bernaerts K, Caluwaerts, D (2025) Fight or unite? Exploring the link between consensus institutions, polarization, and political violence in 113 democracies over time (1900–2023). International Political Science Review. Online First: https://doi.org/10.1177/01925121251355894.
Bernaerts, K., Blanckaert, B., & Caluwaerts, D. (2023). Institutional design and polarization. Do consensus democracies fare better in fighting polarization than majoritarian democracies? Democratization, 30(2), 153–172. https://doi.org/10.1080/13510347.2022.2117300
Contact:
Dr. Kamil Bernaerts: kamil.bernaerts@vub.be, +32 497 23 62 71