En organisant le premier Conseil de biologie Solvay, les Instituts internationaux Solvay s’inscrivent dans la lignée d’une grande et très importante tradition scientifique.
En organisant le premier Conseil de biologie Solvay, les Instituts internationaux Solvay s’inscrivent dans la lignée d’une grande et très importante tradition scientifique.
Le 15 juin 1911, 20 éminents physiciens ont reçu une « Invitation à un Conseil scientifique international pour élucider quelques questions d’actualité des théories moléculaires et cinétiques ». L’invitation était confidentielle et signée « E. Solvay ». Aujourd’hui, le Conseil qui s’est tenu à Bruxelles du 30 octobre au 3 novembre 1911 est considéré comme la première conférence internationale sur la physique de l’histoire, et son importance dans les avancées scientifiques est reconnue dans le monde entier. Après la Première Guerre mondiale, en 1922, un deuxième comité scientifique a commencé à organiser les Conférences de chimie Solvay. Pour la première fois, un Conseil de biologie Solvay se tiendra cette année, du 18 au 20 avril. Il connaîtra son apothéose le dimanche 21 avril avec un événement destiné au grand public à Flagey.
« L’idée d’un Conseil scientifique international a été lancée en 1910 par Walther Nernst, directeur de l’Institut de chimie physique de l’université de Berlin », explique Alessio Rocci, chercheur postdoctoral à la VUB. Alessio Rocci compulse les archives de Solvay, conservées à l’ULB, sous la supervision du recteur et physicien, le Prof. Jan Danckaert. « Le timing du projet s’est avéré crucial. Dix ans se sont écoulés depuis que Max Planck a identifié les particules élémentaires pour expliquer le rayonnement émis par les objets lorsqu’ils sont chauffés. Plus tard, il s’est avéré que l’hypothèse de Planck pouvait également expliquer un grand nombre d’autres phénomènes physiques ».
Ernest Solvay était un industriel, un inventeur, un philanthrope et le fondateur d’instituts de recherche en physique et en chimie qui portent aujourd’hui son nom. « Cependant, Ernest Solvay était bien plus qu’un mécène de la science », souligne Alessio Rocci. « Passionné, il s’est consacré à la recherche scientifique. Il a résumé son programme de recherche de l’époque en mettant en évidence trois orientations et trois problèmes qui, selon lui, n’en constituaient qu’un seul. Pour lui, la physique faisait face à une grande inconnue : que sont la matière, l’espace et le temps ? Les connaissances en physiologie ne permettaient pas de répondre à la question : comment fonctionne le mécanisme de la vie, depuis sa plus humble manifestation jusqu’aux phénomènes de la pensée humaine ? Autre problème, complémentaire aux deux autres selon Ernest Solvay : qu’en est-il de l’évolution de l’individu et dans un contexte social ? ».
Walter Nernst a donc trouvé une oreille attentive en la personne d’Ernest Solvay lorsqu’il a proposé de réunir un petit groupe de scientifiques de haut niveau et d’organiser le premier Conseil de physique en 1911. À la même époque, le chimiste Wilhelm Ostwald présente à Ernest Solvay un projet d’Institut international de chimie.
L’idée de Walther Nernst s’est avérée la plus efficace. Parmi d’autres, Henri Poincaré a été très inspiré par les discussions tenues lors du premier Conseil de physique en 1911. « Pour Solvay, la véritable révélation a été sa rencontre avec le président Hendrik A. Lorentz de Leyde, le grand maître de la physique théorique, qui menait les débats et était admiré et respecté de tous », explique Alessio Rocci. « Voilà un homme qui peut contribuer à la mise en œuvre d’un projet cher à l’industriel : l’attribution de bourses de recherche à des scientifiques du monde entier et l’organisation récurrente de Conseils de physique et de chimie. »
La collaboration entre Solvay et Lorentz aboutit à la création de l’Institut international Solvay de physique en mai 1912. « Nous considérons que le projet Solvay et ses développements ont permis d’accélérer le développement des connaissances en matière de physique quantique grâce aux échanges lors des Conseils. L’octroi de subventions à des laboratoires internationaux pouvait faire progresser la théorie quantique ».
Selon le lauréat du prix Nobel Werner Heisenberg, ce processus s’est achevé en 1927 lors de la dernière année de la présidence de Lorentz à l’occasion du cinquième Conseil de physique Solvay. Cette période est aujourd’hui appelée la « première révolution quantique ». Le Conseil de physique de 2022, 111 ans après le tout premier Conseil, a vu la deuxième révolution, avec la physique de l’information quantique.
Les Conseils Solvay étaient et sont toujours très appréciés des scientifiques. « De nombreux lauréats du prix Nobel ont été régulièrement invités à y participer : Marie Curie, Albert Einstein, Niels Bohr, Werner Heisenberg, Erwin Schrödinger, Richard Feynman et plus récemment Murray Gell-Mann, David Gross et François Englert, pour n’en citer que quelques-uns », explique Alessio Rocci. « Nombre d’entre eux sont immortalisés sur des photos de groupe dans le cadre du parc Léopold à Bruxelles. »
Pour Solvay, la biologie était l’un des domaines qui méritaient également un Conseil Solvay. Il a également insisté sur ce point, comme le montrent les documents d’archives relatifs aux réunions du Comité scientifique international des Conseils de chimie. « Jusqu’à présent, ce projet était resté lettre morte », explique Alessio Rocci. « Il n’y a jamais eu de raison suffisante pour les organiser. Aujourd’hui, de nombreux experts s’accordent à dire que nous sommes au début d’une nouvelle révolution dans notre compréhension du vivant, grâce aux travaux convergents des biologistes, des chimistes, des physiciens, des informaticiens et des statisticiens. Ils analysent les données et construisent des modèles formulés en termes mathématiques. Les mathématiques sont le langage essentiel partagé par toutes les théories scientifiques. Grâce à ce travail, la biologie fondamentale peut connaître des avancées et peut-être ouvrir la voie à de nouvelles applications thérapeutiques au bénéfice de l’humanité ».
Les Instituts Solvay ont pour objectif d’être un acteur clé dans le développement de la biologie du 21e siècle, comme ils l’ont été pour la physique et la chimie. Le premier Conseil de biologie sera organisé cette année selon le modèle unique des Conseils de physique et de chimie. Le premier Conseil Solvay dédié à la biologie se tiendra du 18 au 20 avril et sera présidé par le professeur Thomas Lecuit du Collège de France, directeur du Turing Center for Living Systems. « Le Conseil, intitulé The Organization and Dynamics of Biological Computation, réunira 35 experts sélectionnés par un comité scientifique international. De manière pluridisciplinaire, il vise à développer nos connaissances concernant la manière dont l’information est transmise et traitée par les systèmes biologiques. Les recherches de Thomas Lecuit sur la question générale de l’origine des formes en biologie et de la nature de l’information morphogénétique sont un parfait exemple de transdisciplinarité : des contributions importantes pour comprendre la morphogenèse ont d’abord été proposées par le célèbre mathématicien Alan Turing en 1954, puis affinées par les biologistes Lewis Wolpert et Francis Crick dans les années 1970 ».
Le Conseil de biologie a également vu grand, avec notamment une série de conférences données par des scientifiques de premier plan lors de l’événement public du dimanche 21 avril à Flagey. Anthony Hyman, directeur de l’Institut Max Planck de Dresde et lauréat du prestigieux Breakthrough Prize in Life Sciences (2023), évoquera les mécanismes physiques et chimiques du transfert d’informations au niveau cellulaire dans sa conférence La vie sociale d’une cellule.
Grâce à Stephanie Palmer, professeure à l’université de Chicago, qui donne une conférence intitulée Seeing What’s Coming, nous allons comprendre les mécanismes d’anticipation de notre cerveau. Comment Serena Williams juge-t-elle du meilleur coup pour rattraper la balle de son adversaire et la renvoyer, le tout en moins d’une fraction de seconde... ?
Le parcours de Solvay, le développement et l’histoire des Conseils et des Instituts internationaux Solvay sont actuellement étudiés à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) à travers sa participation au Solvay Science Project, une collaboration entre les deux universités bruxelloises, la VUB et l’ULB. Le projet scientifique Solvay a servi de base à la diffusion de l’histoire des Conseils et a fait partie de la proposition d’inclure les archives de Solvay dans le registre Mémoire du monde de l’UNESCO, une reconnaissance qui a officiellement eu lieu l’année dernière.
« En organisant le premier Conseil Solvay dédié à la biologie, les Instituts Solvay s’inscrivent dans la lignée d’une longue et impressionnante tradition », conclut Jan
Danckaert, recteur de la VUB. « Tous les scientifiques connaissent deux noms de famille : Nobel et Solvay. Depuis plus d’un siècle, les Conseils Solvay font venir à Bruxelles les plus brillants scientifiques du monde. J’invite tous les passionnés de sciences à se rendre à Flagey dimanche pour un aperçu unique de cet événement très important. Vous pouvez également étudier l’histoire des Conseils Solvay en ligne sur le site web du Solvay Science Project ».
À propos du chercheur
Alessio Rocci est postdoctorant à la VUB grâce au Fonds voor natuurwetenschappen in de samenleving, fondé par l’ancienne élève Krist’l van Ouytsel (https://www.vub.be/nl/nieuws/alumna-kristl-van-ouytsel-over-dromen-en-de-grenzeloze-vrij). Il travaille avec Franklin Lambert, professeur retraité de la VUB et ancien membre des Instituts Solvay. Franklin Lambert a déjà publié avec Frits Berends un livre sur l’histoire des premiers Conseils intitulé Einstein’s Witches’ Sabbath and the Early Solvay Councils.. The untold story. Alessio Rocci et Franklin Lambert préparent actuellement un livre sur l’impact du projet d’Ernest Solvay sur la première révolution quantique.
Plus d’infos :
Alessio Rocci: +39 349 420 34 60
Jan Danckaert: +32 486 488062