L’hydroélectricité en Afrique a-t-elle entamé son chant du cygne ?
L’importance de l’énergie hydraulique, qui est traditionnellement l’une des principales sources d’électricité en Afrique, va rapidement diminuer pour céder la place à l’énergie solaire. L’attrait des nouvelles centrales hydroélectriques s’émousse rapidement, à la fois en raison de la compétitivité économique croissante des panneaux solaires et des effets de plus en plus incertains du changement climatique sur les débits des cours d’eau. La majorité des nouveaux barrages proposés en Afrique ne devraient donc probablement jamais voir le jour, suggère une nouvelle étude publiée dans la revue Science et à laquelle ont participé les professeurs Sebastian Sterl et Wim Thiery de la VUB.
Pluies abondantes, canyons profonds, chutes d’eau gigantesques : la géographie africaine réunit tous les éléments nécessaires à la production d’électricité à partir des cours d’eau. De nombreux pays africains dépendent de l’hydroélectricité depuis des décennies, avec des projets qui suscitent autant d’admiration que de controverse, comme le lac Volta au Ghana – le plus grand lac artificiel du monde – ou le grand barrage de la Renaissance éthiopienne, le prestigieux projet de l’Éthiopie visant à donner accès à l’électricité à des millions de ses habitants. La République démocratique du Congo rêve depuis des années de construire la centrale électrique de Grand Inga qui, selon certains, « pourrait éclairer toute l’Afrique ». Et de nombreuses voix s’élèvent pour poursuivre dans cette direction : selon les estimations, l’Afrique n’a à peine exploité que 10 % de son potentiel hydroélectrique.
Une nouvelle étude réalisée par des scientifiques basés en Italie, en Belgique, en Autriche et en Éthiopie montre que la construction de centaines de nouveaux barrages hydroélectriques à travers l’Afrique pourrait être une mauvaise idée. L’étude a utilisé un modèle énergétique détaillé pour examiner quelle combinaison de sources d’électricité serait la plus rentable pour les pays africains afin de répondre à la demande croissante d’ici 2050. L’hydraulique a ainsi été comparé au solaire, à l’éolien, au charbon, au gaz, au nucléaire et à d’autres sources d’énergie. Pour ce faire, l’étude a examiné séparément chaque future centrale hydroélectrique possible en Afrique, chacune avec sa propre capacité de stockage, son propre profil de débit de son cours d’eau et sa propre interaction avec d’autres barrages.
« Ce qui est unique dans notre étude, c’est que nous modélisons indépendamment chaque centrale hydroélectrique en Afrique, qu’il s’agisse de centrales existantes ou planifiées », explique M. Angelo Carlino, auteur principal de l’étude. « De cette manière, notre modèle peut déterminer quelles centrales hydroélectriques peuvent représenter un investissement intelligent et lesquelles il vaut mieux ne pas construire. »
L’addition de tous ces chiffres donne une image peu réjouissante de l’avenir de l’hydroélectricité en Afrique. L’étude montre que jusqu’à 67 % des futures centrales hydroélectriques possibles en Afrique ne vaudraient pas l’investissement nécessaire à leur construction. Cela s’explique principalement par le fait que l’hydroélectricité sera bientôt incapable de concurrencer économiquement l’énergie solaire (et, dans une moindre mesure, l’énergie éolienne), dont les coûts ont chuté à un rythme sans précédent au cours de la dernière décennie.
En outre, les effets des sécheresses prolongées sur l’hydroélectricité, qui risquent de s’aggraver avec le changement climatique, devraient être compensés par des investissements supplémentaires. « C’est une raison complémentaire qui explique que l’énergie solaire deviendra la technologie la plus attrayante à long terme », indique le professeur Wim Thiery, climatologue à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et coauteur de l’étude.
La partie est-elle donc terminée pour l’énergie hydraulique ? Pas tout à fait, comme l’explique l’étude : à court terme, certaines nouvelles centrales hydroélectriques peuvent encore fournir de l’électricité bon marché aux pays qui en ont besoin, et il est également possible d’exploiter leur flexibilité pour faciliter l’intégration des énergies solaire et éolienne, dont la production fluctue constamment, sur les réseaux électriques.
« Notre modèle montre quelles centrales hydroélectriques en particulier seraient encore rentables à court terme », précise Andrea Castelletti, professeur de gestion des ressources naturelles au Politecnico di Milano et auteur principal de l’étude. « Principalement dans les bassins du Congo, du Niger et du Nil, certains projets sont intéressants à condition qu’ils soient bien planifiés et que les effets négatifs sur l’environnement soient réduits au minimum. »
À long terme, cependant, l’énergie solaire apparaît comme la technologie la plus attrayante dans la plupart des pays africains. Cela fait écho à l’affirmation faite par l’Agence Internationale de l’Énergie en 2020 selon laquelle l’énergie solaire deviendrait bientôt la nouvelle « reine » de la production mondiale d’électricité.
« La période pendant laquelle l’hydroélectricité constitue encore un investissement intéressant en Afrique va se terminer très rapidement », termine le professeur Sebastian Sterl, expert en météorologie énergétique à la VUB et chercheur principal au World Resources Institute à Addis-Abeba, en Éthiopie. L’étude suggère qu’après 2030, seul un nombre très limité de centrales hydroélectriques en Afrique resteront des investissements intéressants. « Outre la rentabilité, il s’agit également de façon plus générale d’une bonne nouvelle pour l’environnement : de nombreux cours d’eau n’auront pas besoin d’être endigués et peuvent conserver leur cours naturel », conclut M. Sterl.
L’étude a été publiée dans la revue Science sous le titre « Declining cost of renewables and climate change curb the need for African hydropower expansion ».
Photo: Kariba dam sur la rivière Zambezi - Credits DAFNE Project Politecnico di Milano - ATEC
Pour plus d’informations :
Prof. dr. Sebastian Sterl
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+251 9870 79500
Prof. dr. Wim Thiery
+32 485 70 80 18