Les technologies de la legal tech passées au crible dans le cadre d’un projet européen de la VUB, baptisé COHUBICOL.
Au cours de ces cinq dernières années, le projet international COHUBICOL (Counting as a Human Being in the Era of Computational Law), mené sous la houlette de Mireille Hildebrandt, professeure à la VUB, s’est concentré sur les technologies de la legal tech et sur leur intégration dans la jurisprudence moderne. Cette initiative est le fruit d’une collaboration entre des juristes de la VUB et des informaticiens de la Radboud Universiteit, où Mireille Hildebrandt est titulaire d’une chaire au sein de la faculté des sciences informatiques. La legal tech (terme qui désigne les technologies dans le domaine du droit) consiste en l’adoption de techniques informatiques avancées, comme des langages de programmation et le machine learning, pour faciliter l’exercice du droit. Il existe déjà de nombreux logiciels facilitant cette adoption, ainsi que des entreprises (principalement américaines) qui proposent des services d’accompagnement dans ce domaine.
Dans le sillage de l’IA (qui fait beaucoup parler d’elle en ce moment), les avantages de la legal tech sont nombreux, puisqu’elle permet d’automatiser toute une série de tâches redondantes (par ex. l’élaboration de législations, la rédaction de contrats, la gestion de services de sécurité sociale ou d’aspects fiscaux, etc.). D’un point de vue global, les recherches juridiques exigent de parcourir des milliers, voire des millions, de documents. « Il ne s’agit pas ici d’un simple processus de numérisation, pour convertir des documents papier au format PDF. En effet, cela ne suffirait pas pour étudier tous ces documents en détail. Il faut un système beaucoup plus puissant, capable de synthétiser ces données de manière efficace », explique Mireille Hildebrandt, responsable du projet et chargée du cours « Interfacing Law and Technology » à la VUB (Mireille figure aussi parmi les 50 women in robotics 2023). « L’automatisation s’accompagne de nombreux problèmes et risques. Un spécialiste des sciences informatiques peut tenter de rassembler toutes les lois et jurisprudences dans un seul algorithme, mais cela aurait pour conséquence d’ancrer des points de vue du passé, ce qui serait désastreux pour l’évolution du droit. »
Sans compter que le droit diffère d’un pays à l’autre, ce qui fait que la plupart des outils de la legal tech ne peuvent pas être utilisés n’importe où. L’équipe du projet COHUBICOL, composée de juristes et de spécialistes des sciences informatiques, a décidé de passer au crible un ensemble de 30 technologies juridiques. L’un des principaux résultats de cette démarche est la méthode d’évaluation Typology of Legal Technologies, basée sur de nombreuses technologies de la legal tech, qui s’intéresse à différentes applications, données et publications scientifiques d’un point de vue juridique, mais aussi d’un point de vue informatique. Plusieurs grandes questions ont été posées : quelles sont les fonctionnalités proposées et la technologie en question peut-elle les concrétiser ? Quels sont les opportunités ou risques si cette technologie est appliquée comme prévu ? Comment l’utilisation de cette technologie s’inscrit-elle dans la pratique du droit, aujourd’hui mais aussi à l’avenir ? « Autant d’interrogations auxquelles il est important de répondre », poursuit Mireille Hildebrandt. « Une chose est sûre : la technologie jouera un rôle de plus en plus important dans de nombreux aspects de la législation et de la jurisprudence. »
Il est donc essentiel que les juristes et les spécialistes des sciences informatiques mettent leurs connaissances en commun pour découvrir si cette technologie peut être utilisée de manière responsable, et si oui, comment. « Nous voulons nous assurer que les garanties de l’État de droit ne seront pas érodées », conclut Mireille Hildebrandt. Pour joindre le geste à la parole, Mireille Hildebrandt organise les 20 et 21 novembre prochains, pour la seconde fois, une conférence internationale à Bruxelles, en collaboration avec le nouveau magazine scientifique « Cross-Disciplinary Research in Computational Law » (CRCL). L’occasion pour les ténors du domaine de l’intelligence artificielle dans le droit de débattre de l’avenir de cette corrélation, mais aussi de l’avenir de la méthode juridique. Ce projet est financé par un Advanced Grant, octroyé par le European Research Council.
Contact :
Mireille Hildebrandt : mireille.hildebrandt@vub.be +32 2 629 24 61