La coopération belge au développement balaie devant sa porte dans un rapport de la VUB : paternalisme et intérêt personnel
En collaboration avec des chercheurs du groupe de recherche de la VUB Localities, Ontologies, Commons, Integrated (LOCI), dans le cadre d'une étude de soutien politique pour la Coopération belge au développement et avec plus de 200 spécialistes du secteur – tant belges qu’issus de pays partenaires, une équipe internationale de scientifiques a rédigé un rapport sur ce qu’il fallait entreprendre pour décoloniser le secteur du développement. Du côté francophone, l’ULB s’est jointe à l’étude. Le commanditaire était la direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire (DGD).
Le rapport a été établi par consortium international, transdisciplinaire et multiculturel composé de chercheurs et de praticiens de la VUB et de l’ULB ainsi que de Bolivie, de Cuba, de la République démocratique du Congo et d’Ouganda. De nombreuses personnes ont participé à l’étude, ce qui a mené à la publication du rapport : 206 personnes issues de pays différents et aux profils très variés (ONG, administrations, organisations partenaires, académiciens...). L’équipe de recherche a recouru à une méthodologie participative afin d’étudier « les complexités, les tensions et les paradoxes » du secteur belge de l’aide au développement et d’explorer avec les différents acteurs du développement de nouvelles façons de penser qui pourraient mener à des formes décolonisées de coopération.
« Aussi bien en Belgique que dans les pays partenaires, l’approche coloniale imprègne tous les niveaux d’aide au développement », indique la chercheuse principale du rapport, la docteure Adriana Moreno Cely, une chercheuse colombienne appartenant à la VUB qui a obtenu son doctorat sur le sujet avec sa thèse Decolonising research partnerships in development cooperation. Weaving thoughts, stories, senses, and feelings for meaningful transdisciplinary research collaborations.
« L’étude confirme la répétition constante de schémas coloniaux ancrés dans le modèle de développement mis en œuvre à travers les programmes de coopération internationale », révèle également le rapport. Pour cette raison, de nombreuses organisations ne se sentent plus à l’aise avec le terme de coopération au développement, car il ne couvre plus ce dont il est chargé. Elles préfèrent les partenariats. Les participants souhaitent mettre en avant d’autres moyens d’aider les pays partenaires dans leur lutte contre la pauvreté. « Il y a eu un appel unanime pour que les donateurs, les décideurs politiques, les pays partenaires et la société civile collaborent à la création du programme d’aide au développement », spécifie le rapport. « Cela devrait aboutir à un programme basé sur les priorités et les besoins locaux, mis en œuvre par les communautés locales afin de renforcer la propriété et la responsabilité mutuelle. »
« Nous appelons les lecteurs à la vigilance : la décolonisation est un mot confortable devenu à la mode pour le secteur de l’aide et qui présente certains risques, notamment que la décolonisation soit « cooptée » et diluée dans les récits dominants de la politique et des programmes de développement, sans changement profond », ajoute le rapport. « Cela s’est produit auparavant dans une certaine mesure avec des concepts tels que la participation, l’égalité des genres et la durabilité. Notre étude met en garde et appelle à ne pas se montrer complice de la transformation du concept riche de sens de la décolonisation en une métaphore ou une image, mais plutôt à oser rêver pleinement d’avenirs alternatifs. »
« Je suis très contente de ce rapport », conclut le professeur Tom Vanwing de la faculté de psychologie et sciences de l’enseignement. « Non seulement en raison de la soigneuse analyse du secteur par le secteur, mais également en raison de la conviction de tous les participants qu’il existe des solutions. La décolonisation est un processus. Notre exercice de réflexion commune a abouti à un modèle ou un cadre qui peut être mis en place afin de réaliser la décolonisation dans la pratique. »
L’étude a été mise sur pied en réponse à un appel lancé en 2021 par la DGD pour une étude de soutien politique et intitulé Sporen voor de dekolonisatie van de Belgische ontwikkelingssamenwerking (Traces de la décolonisation de la coopération belge au développement)
Outre la docteure Adriana Moreno (VUB) et le professeur Tom Vanwing (VUB), Carla Vitantonio (en qualité de consultante indépendante), le professeur Cesar Escobar (Université Mayor de San Simon (UMSS) ; faculté d’agronomie ; département du développement rural en Bolivie), dr. Dirk Lafaut (VUB), le professeur Hichem Sahli (VUB), le professeur Kintu Mugenyi (Mountains of the Moon University (MMU) ; Faculty of Education ; Department of Educational Innovations. Ouganda)la professeure Maria Mancilla García (ULB) et la professeure Nathalie Nakabanda(Faculté de droit – Université catholique de Bukavu (UCB), République démocratique du Congo) ont participé à la rédaction du rapport.
Pour plus d’informations :
Rapport : Alternatives pour l’avenir de la collaboration belge au développement. (Ici, lien vers PDF nl)
Dr Adriana Moreno Cely : +32 478 72 49 27
Professor Tom Vanwing+32 492 50 52 77